Fragments de l’histoire du moulin des Roches de Fleurey-sur-Ouche

 

L’état actuel du moulin des Roches de Fleurey-sur-Ouche témoigne d’un ancien système hydraulique ingénieusement conçu pour exploiter la force de la rivière. Un barrage maçonné, submersible avec une partie supérieure appelée déversoir et une pente, le glacis, favorisait, par un bief, l’amenée de l’eau vers le moulin. Plusieurs vannes de décharge rendaient possible la gestion du niveau de l’eau et des roues actionnaient autrefois un système d’axes et d’engrenages.

glacis et crue

cadastre 2018 annoté

Au commencement de l’histoire…

De rares textes anciens nous sont parvenus pour tenter d’éclaircir les origines de ce moulin des Roches. En 1387, une amodiation des revenus, pour le terme d’un an est un bail de l’ensemble des revenus de la Seigneurie. Il fait mention de « bois, agues, fours, molins », ce qui est une preuve de l’existence d’au moins deux moulins, et certainement davantage, installés sur l’Ouche à cette époque mais rien ne nous renseigne si le moulin des Roches est l’un d’entre eux. Un autre document de 1388 fait état d’un échange de terres et de maisons « assises à Fleurey, en lieudit Devant le Molin » (ADCO, B 11303 et Fonds Carlet, Fleurey-sur-Ouche, BMD) mais une fois encore, aucune précision ne figure sur la dénomination de ce moulin.

Une autre archive extrêmement précieuse pour recueillir des informations est le terrier de 1488, charte qui établit le patrimoine foncier du « prieur commendataire du prieuré » de Saint-Marcel-les-Chalon est : « Mondit Seigneur de Saint Marcel à un moulin qui lui compète et lui appartient entièrement et est assis sur la dite rivière au-dessous de ladite ville de Fleurey, devant l’hôtel et maison de Guillaume Bourgoin, lequel moulin s’amodie au plus offrant, et en iceluy sont tenus aller moudre les dits habitans s’ils leurs plaist, comme dient les dits prud’hommes, et prend le meunier pour la mouture des grains de vingt-quatre boisseaux, un boisseau. » (ADCO, 22 H/R 761). Hélas, à ce jour rien ne nous dit que cette phrase concerne le moulin des Roches d’autant plus que sur les cartes anciennes du XVIIIe siècle jamais aucune maison ne figure en face du moulin des Roches. Bien sûr, en trois cents ans, de nombreux événements peuvent se passer. Prenons l’exemple du moulin de Morcueil, en très peu de temps, une fois arrêté, il disparaît quasi totalement. Toutefois, pour revenir au moulin des Roches, il serait surprenant que, sur la butte qui existait avant l’exploitation en carrière, il y avait une habitation qui se soit installée aussi à l’écart du reste du village.

D’autre part, un autre moulin dont l’existence est certifiée depuis au moins 1310, le « moulin du Pont » existait juste en-dessous du village et donc à proximité des habitations situées un peu plus haut (en contre-bas actuellement de la vaste maison en ruine qui domine les jardins au bord du canal entre la Grande rue du bas et la rue de Chanteronne). Ce paragraphe du terrier pourrait donc tout aussi bien convenir à ce moulin placé à proximité immédiate du prieuré.

Dans cet écrit, le meunier ne possède pas le moulin, il appartient au seigneur. Cette forme de féodalité et donc de pouvoir du prieuré sur le village de Fleurey va subsister jusqu’à la Révolution. Au Moyen Âge, l’investissement pour construire un moulin et l’équiper de plusieurs meules de pierre d’un seul bloc est important aussi seuls les ordres religieux et l’aristocratie peuvent le prendre en charge. On peut, au XIIIe siècle « estimer qu’une érection de moulin à eau, meules, mécanismes, roue, vannes représente la valeur de 8 à 15 hectares de bonne terre » (Robert Fossier, 2000). Généralement chaque seigneur entreprend, sur son fief, cette construction d’autant plus qu’il est « maître de l’eau, de la retenue, des digues ou des biefs ». Alors, le seigneur qui a investi dans cette construction va en « faire payer l’usage ». Il cède au meunier le droit d’exploitation ou amodiation contre le paiement d’un loyer et la charge de l’entretien. Celui-ci loge sur place et doit alors entretenir le glacis et le canal d’amenée d’eau, le curer périodiquement, maintenir les bâtiments en état de même que les vannes et les roues à aubes, enfin les meules doivent être piquées régulièrement.

De rares pièces du puzzle historique du XVe au XVIIe siècle

Un village en déclin

Le village de Fleurey connaît une période de prospérité au début du XIVe siècle avec particulièrement l’embellissement de l’église prieurale par la création d’un chœur avec de magnifiques chapiteaux de types clunisiens et avec l’influence de la duchesse Agnès. Par la suite, il va devenir misérable au XVe siècle « à cause de la mortalité et des grands et excessifs dommages qui lui ont été faits par les Gens d’armes et les Compagnies qui se sont tenues au Pays » (Courtépée, 1777) sans oublier la peste et les disettes ! De 600 feux au XIIIe (par feu, on entend une famille de 4 à 5 habitants), Fleurey tombe à 31 feux en 1431 puis 28 en 1482 (HIPAF, 2007).

En 1518, la population est remontée à 64 feux, ce qui doit correspondre à une accalmie mais les guerres de religion vont, à nouveau, amener l’insécurité et la ruine. Pendant cette période troublée qui connaît une série de 8 guerres civiles, opposant catholiques et protestants, Fleurey va s’endetter pour s’entourer d’une muraille de 3 pieds et demi de largeur sur 10 pieds de hauteur (soit 1 m 10 sur 3 m) qui ferme la partie du bourg située sur la rive droite de l’Ouche. Ce sera un rempart bien éphémère car, en  1589, Fleurey, occupée par des partisans du Roi Henri IV (alliés aux protestants Huguenots), ne résiste pas à l’assaut des ligueurs catholiques (ultra catholiques), armés de pétards puis de canons par la ville de Dijon et commandés par Guionvelle, capitaine des soldats du duc de Nemours. Fleurey est mise à sac ; les ligueurs, en principe bons catholiques, pillent même l’église. L’enceinte devenue inutile est laissée à l’abandon. Quelques vestiges subsistent de part et d’autre de la rue de Chanteronne et derrière la Velle.

On ne s’étonnera pas que peu d’archives subsistent après de tels événements pour le village et que de rares informations soient arrivées jusqu’à nous. Les trois, quatre ou cinq moulins du Moyen Âge ont-ils existé jusqu’à cette époque située sous le règne de Louis XIV ? Ou alors sont-ils pour certains à l’arrêt car en trop mauvais état ou en ruine ? Ou bien, en raison du mauvais climat et de la fréquence des mauvaises années (1646, 1652, 1661, 1666, 1684, 1693, cf. Béatrice de Varine, 2005), tournent-ils au ralenti parce que la quantité de blé à moudre a terriblement diminué ?

Parmi les procès-verbaux subsistants des « Etats du Duché de Bourgogne » de 1600, 1623 (100 feux), 1644 (34 maisons), 1656 (les habitants demandent d’avoir « égard à leur pauvreté et misère ») et 1681, seul celui de Richard en 1656 cite un moulin à Fleurey « Il y a moulin et four banal* dépendant dudit prieuré. » mais sans préciser sa localisation ni son appellation exacte alors que tous les autres rapports présentent le moulin de Morcueil. Jamais, dans ces textes, on ne peut lire une désignation précise ou une expression voisine de celle du moulin des Roches. Et pourtant, l’existence de celui-ci est certifiée en 1632 (voir ci-dessous).

Heureusement des actes notariés apportent d’autres informations capitales. Le bail le plus ancien retrouvé, relatif à un moulin pour cette période, date du 20 octobre 1625 mais il ne précise pas s’il s’agit du moulin des Roches ! Il concerne « le moulin à eau et fourg bannal dépendant de la Seigneurie dudit Fleurey » (ADCO 22 H SUP. art 1).

 La première trace écrite du moulin des Roches

A la lumière de nos travaux actuels, l’acte dans lequel la dénomination du moulin des Roches figure pour la première fois est la transaction du 8 juillet 1632 contre Jean Flaichot ! Celui-ci « propriétaire du Moulin de Roche » est condamné « à rabaisser le glassis qu’il avait fait faire au dit moulin (…) et rebâtir le radier à la même hauteur du précédent glassis ».

Bail, 1632, ADCO

Ce document capital nous informe de l’existence du moulin des Roches mais rien ne nous dit qu’il n’existait pas auparavant d’autant plus qu’un glacis précédent était là, à la même place, moins élevé. Peut-être son origine est-elle bien antérieure à cette date ?

D’autres moulins dans le village en plus de celui de Morcueil

Dans les archives retrouvées, avec le « Bail et admodiation » de 1653 à Claude Vacherot, apparaît une nouvelle information capitale pour la compréhension : deux moulins existaient conjointement à Fleurey en plus de celui de Morcueil : « (…) Il y a ung autre moulin appelé le Moulin de roche au bas du dit moulin seigneurial ci devant donné à cense au dit Flaichot ». Avec certitude, cette fois, nous pouvons affirmer que le « moulin de Roche » existe en plus, en aval, du moulin seigneurial qui était accompagné d’un four banal (déjà cité, plus haut, en 1625). Par ailleurs, d’autres textes plus anciens informent de l’existence de autres moulins sur le territoire de notre commune : moulin de Huguenot et moulin de Barges mais c’est une autre histoire !

Parmi les témoignages recherchés, l’enquête (1666) de l’Intendant Bouchu est capitale. Ce dernier, représentant du pouvoir royal, c’est-à-dire le bras juridique, fiscal, politique et financier du roi Louis XIV et de son ministre Colbert, relève « les biens et les dettes des communautés ». Pour le moulin qui nous concerne, il précise: « Le moulin de Roche au bas du village, possédé à cense par les héritiers de M. Jean Flachot avec la maison et chenevière, admodiés 4 esmines, moitié bled conceau et orge, outre une esmine au Sergent de Fleurey aussi moitié bled et orge et 4 livres 15 en argent, Il y a aussi une huillerie amodiée 20 livres et un battoir, amodié 100 livres, de chanvre non battu et 4 ou 5 journaux de terre avec 3 soitures de pré qui ne sont pas amodiés. ».

Voici donc confirmée l’existence du moulin des Roches « au bas du village ». Mais l’huilerie citée peut tout aussi bien faire partie de ce moulin qui pouvait avoir plusieurs fonctions ou bien alors elle représente un autre moulin à huile situé plus en amont juste en contrebas de la Velle tel que le moulin seigneurial cité précédemment (voir le chapitre sur le moulin du pont).

En conclusion de cette période du XVIIe siècle, nous pouvons affirmer que, en plus de celui de Morcueil, deux moulins ont coexisté dans le village, à environ 500 m l’un de l’autre.

Sur la carte dite de Cassini (1758, 1763), ils sont représentés puisque trois symboles de roue (cercle muni de traits rayonnants qui figurent une roue à pales) figurent pour notre commune (« Morcœuil », « Roche » et un troisième sans appellation). Cependant cette observation doit nous conduire à la prudence car cette occurrence cartographique réalisée par les géomètres du roi présente des lacunes. Les moulins sont situés, par simplification directement sur la rivière, et non sur leur bief correspondant (un seul est tracé juste en-dessous de la Velle mais pas celui du moulin des Roches !) ne nous offrant qu’une idée approximative de leur typologie. D’autre part la légende du moulin de Roche devrait être en aval de Fleurey. A noter, par ailleurs, la représentation de l’église Saint Jean Baptiste mais aussi celle du prieuré « PSt Marcel ».

 

Route n° 2, 1759, ADCO

 

carte de Cassini, 1763

Au XVIIIsiècle, une période marquée par des dommages et des travaux.

 Déjà au XVIIe siècle, les baux retrouvés font le constat du mauvais état du moulin et des réparations qui doivent être effectuées et cela continue avec le siècle suivant. Or, un moulin doit rester parfaitement fonctionnel ! Il est d’une importance vitale pour transformer le grain en farine. Autrefois, la plupart des moulins à céréales produisaient beaucoup de farines de blé, d’orge, d’épeautre et de sarrasin. Le pain élaboré était consommé en quantité importante ; par exemple, au XIXe siècle, le Français mangeait encore 600 g de pain par jour soit 10 fois plus que la ration actuelle.

En 1710, le seigneur de Fleurey dresse, à propos des « moulins, huileries et fours bannaux avec les maisons en dépendance », un constat sans nuance « glacis hors d’usage, meules des deux moulins plus en état de servir, bâtiments ainsi que fours bannaux menacent ruine de tous côté. » et met en demeure son amodiateur (locataire) de faire disparaître les dégâts. L’état des réparations des « fours bannaux et des deux moulins de Fleurey » établi en 1715, à la charge de Mme Vacherot nous confirme qu’ils appartiennent tous les deux à « Monsieur le Chevalier de Chateautier », prieur de Saint-Marcel et que le bief du « petit moulin » est le long « des enclos de messieurs Bauÿn et Ceurderoy au-dessus (lire « au-dessous ») de la rue de Chanteronne » donc bien différent du moulin de Roche cité dans le même acte. Une fois de plus, il est fait constat de travaux à effectuer sur la toiture « des gouttières dans le toit du couvert du côté de la roue dudit moulin », sur le four, sur la génelière, de plusieurs portes à réparer ainsi que sur « le petit pont proche du moulin ». Enfin « le grand glassis dudit moulin doit estre restablis en plusieurs endrois pour empecher l’escoulement des eaux qui en sorte de mesme que le vannage où l’eau passe à costé (…) ».

 

Les « bénéfices » de la seigneurie de Fleurey pour des moines anglais

Lorsque nous étudions les baux des moulins de Fleurey, nous trouvons, à partir de 1745, que les amodiations se font au profit de prieurs anglais de la maison de Saint Edmond à Paris ou de leurs représentants : Dom Jean Aspinwall (1745), Dom Henry Wyburne (1745 et 1755), Dom Jean Catterall (1755), Dom Philippe Jefferson (1758), Dom Keller (1782). Cette situation va perdurer jusqu’à la Révolution.

En 1745, dans un acte très complet de 11 pages qui décrit l’ensemble du domaine prieural, les bénédictins anglais de Paris délaissent à titre de bail « au sieur Jacques Cazotte meunier demeurant à Fleurey et Jeanne Dumay sa femme, tous les fruits et revenus de la Seigneurie dudit Fleurey qui fait partie du prieuré de Saint Marcel les Chalon consistant notamment les dîmes de toutes natures (…) comme aussi le moulin de Roche et le petit moulin en état où il est maintenant, les terres, les preys dépendants de ladite Seigneurie tant audit lieu de Fleurey que sur le finage de Lantenay, les vignes situées à Brochon (…) bâtiments du prieuré, colombier aussi en l’état où il est (…), terres, jardin (…) les fours bannaux dudit Fleurey (…). Les dits preneurs seront tenus d’entretenir les moulins dépendants du présent bail de tous les bois tournants, virants et ferrants et remuants, » et ils feront « curer une fois à leurs frais, le bief du moulin de roche (…) ».

Bail, 1745, ADCO

Le flottage du bois, incidences sur les moulins à eau

La ville de Dijon manque de bois et d’après les textes consultés, pour cette époque, les flottages ont eu lieu au moins de 1730 à 1795. Dans ce cadre, en 1763, l’ingénieur Antoine Pierre-Joseph établit un « Projet pour rendre la rivière d’Ouche flottable » et préconise « au moulin sous Fleurey, coupe d’arbustes et essart, vanne marchande à faire et élévation du vannage du déchargeoir ». Le « bois de la flotte » est loin d’épargner les « usines ». Par exemple, après le passage de celui du Sieur Laligant en 1784, on déplore : « brèche au glacis assez considérable, empellements en très mauvais état, buches sous les vannes, bief rempli de sable…» (voir les travaux de Guy Masson, HIPAF, 2015).

 

“Soubail”, 1786, ADCOLe moulin des Roches et la Révolution

A la Révolution, toutes les propriétés de la paroisse et celles du prieuré sont à vendre dont « les deux moulins appelés moulins des Roches dépendant des Religieux Bénédictins anglais de Paris ci-devant Seigneur du même lieu de Fleurey. ». Dans un premier temps, le moulin est vendu, le 9 mars 1791, dans un lot comprenant des terres cultivables. Trente-six acheteurs du village se sont associés. On retrouve des noms de famille connus : Maillot, Cazotte, Lignier, Dard, Chary, Grée, Dellery… Puis la revente du moulin et de ses dépendances s’effectue le 17 mars 1791. Jean Baptiste Aubry en est l’acquéreur pour son père. Cette séance, voit miser, en vain, le régisseur du château de Monculot qui représente Louis-François de Lamartine (1711-1797), le grand-père du poète !

 

Vente, 1791, ADCO

Le creusement du canal de Bourgogne, fort impact sur le moulin des Roches

L’aménagement de la voie navigable réclame quatre années de travaux (de 1808 à 1812). Ceux-ci deviennent rapidement dangereux pour le moulin. Ainsi, dès 1810, Samuel Blum, meunier déclare « que les éclats de rocher lancés au loing par l’effet des mines ont brisé la presque totalité de la couverture et enfoncés partie des portes et fenêtres des bâtiments du dit moulin (…) ». Finalement, en 1812, des indemnités sont « payées » à André Le Doyen qui possède l’installation.

Par ailleurs, le chantier, dans une parcelle en amont appelée le « clos de la chapelle » laisse une « chambre d’emprunt » (terre prise pour la levée du canal). Par une convention, en 1817, entre les détenteurs concernés et A. Le Doyen « il est consenti de faire un étang de cette partie de terrain submergée. ». La pièce d’eau existe toujours bien que son étendue ait été fortement réduite.

cadastre napoléonien, 1812, ADCO

 

Le moulin, un outil de production adaptable

Le besoin de moudre le grain se faisant plus pressant, en 1826, le propriétaire demande une « augmentation » de son usine. Ses arguments sont solides « les bâtiments sont assez grands pour recevoir un troisième tournant à sceau afin de ménager l’eau dans le temps de la sécheresse » et il est soutenu par le maire « le projet est d’une grande nécessité pour le bien public ». Même si le meunier de Morcueil se plaint, le changement est approuvé par l’ingénieur ordinaire Darcy « les allégations du Sieur Dambrung sont fausses ou suggérées par l’intérêt privé, qu’elles doivent être de nul effet. ». Quelques années plus tard, en 1844, Athanase Rognier ajoute encore un battoir à blé. Dans un rapport d’inspection, en 1859, les ouvrages moteurs existants sont décrits « roue en-dessous, roue de côté, battoir, huilerie et trois paires de meules ».

 

Trois roues à aubes, 1829, ADCO

Description, 1859, ADCO

Un épisode malheureux : le captage de la source de Morcueil

Les habitants de notre village vont souffrir de la décision de captage de la source de Morcueil et s’élever, en vain, contre le projet de Dijon. Ainsi, Victor Régnier, « industriel », proteste énergiquement, en 1897, en exposant « le préjudice considérable » que va subir son exploitation. Ses deux meuniers et le « scieur à la machine» se joignent à lui. De même, la solidarité intercommunale se manifeste « Il existe à Fleurey-sur-Ouche un moulin, une scierie, une machine à battre, un lavoir à moutons, etc. ; la suppression de cette source entraîne forcément la destruction de toutes ces usines ou industries. ». Malgré cette mobilisation, cette eau arrive à la grande ville en 1904 !

 

Plainte du propriétaire, 1907,  ADCO

Des activités annexes

Au temps de Victor Régnier, l’essor du moulin se traduit par la création d’une tuilerie. Le « tuilier » loge sur place ; mais vingt ans plus tard son nom ne figure plus dans le registre de recensement, sans doute le travail de l’argile a-t-il déjà perdu de sa rentabilité !

Plan, 1882, archives privées

Des roches calcaires existent de l’autre côté de la rivière, dans les ruelles de Velars, aussi, un projet de « moulin à carbonate de chaux pour verreries » voit-il le jour en 1893 avec l’obligation de « jeter une passerelle fixe d’un bord à l’autre ». Les eaux l’enlèvent un peu plus tard et en 1907, alors que le moulin connaît son dernier meunier, le propriétaire Henri Laurent établit un projet de reconstruction du pont.

 

Les Roches d’Orgères

Par une voie étroite de chemin de fer, le calcaire est amené au moulin où il passe dans un concasseur alimenté par l’énergie hydraulique. Il s’agit de livrer de la pierre à chaux aux sucreries de Brazey-en-Plaine. Dans les années 1950, la passerelle, devenue inutile, est détruite. Il reste des supports de rails et des piles de ce pont.

 

La dernière mutation industrielle : le moulin fournit de l’électricité

Ce changement de destinée industrielle correspond exactement à l’ouverture, en 1911, des Grandes Minoteries Dijonnaises qui provoquent l’arrêt de la plupart des moulins à grains de la région. Henri Laurent fournit alors, grâce à des turbines, de l’électricité pour l’éclairage des rues et des édifices communaux. Le matériel est logé dans le « petit moulin » et un transformateur est construit à proximité.

Emile Berthoud, « chef ingénieur patron » de 1927 à 1934 continue la production puis cède tout le matériel à la Compagnie d’électricité de Côte d’Or (CECO). Du temps de Félix Rey, cette société est nationalisée (1939) et EDF prend la succession. Ensuite, Pierre Denuit, jusqu’à 74 ans, fait marcher, seul, sa petite usine ; celle-ci est démontée en 1970. Par la suite, Francis Rahmil (1971-1983) engage de nombreux travaux pour rendre les lieux bien habitables.

En résumé

Au fil du temps, le moulin a assuré des fonctions multiples, « comestibles » : moudre des céréales (blé, orge), extraire de l’huile et aussi « textiles » : battre le chanvre pour l’assouplir. Enfin il remplit des usages « industriels » : faire tourner une scie, actionner un concasseur pour produire du carbonate de chaux et plus tard entraîner les turbines d’une usine électrique. Selon les époques et les besoins se sont greffés des équipements complémentaires, des fours à pain, un lavoir à moutons et une tuilerie.

 Et l’avenir du moulin des Roches ?

Le patrimoine industriel que le moulin représente peut être valorisé. Des membres d’HIPAF ont installé, à proximité, près des Roches d’Orgères deux anciennes meules et ont entamé la reconstitution de la voie étroite de la carrière avec rails et wagonnets. Un site archéologique de plein air a ainsi été créé.

 

Panneau du chemin du moulin, HIPAF

Par cette opération, l’objectif de notre association HIPAF est de contribuer au développement du territoire, de conserver la mémoire des techniques anciennes et des savoir-faire des hommes et ainsi d’aider à appréhender les mutations que la société a connues depuis la fin du XIXe siècle. C’est pourquoi nous avons entrepris cette action de mise en valeur du patrimoine industriel lié à l’activité du moulin des Roches. Cet endroit réhabilité devient une halte, avec un panneau interprétatif, sur le sentier des Roches d’Orgères qui est par ailleurs un sentier de découverte labellisé PDIPR.

Par ailleurs, la prise en compte de la préoccupation européenne écologique impose de restituer aux rivières leur état biologico-chimique naturel. Aussi le « Plan Ouche », relié à un ensemble de dispositions réglementaires, pourrait déboucher, bientôt, sur une passe à poissons pour restaurer la continuité écologique. Enfin, la rivière est toujours une source potentielle d’énergie renouvelable et locale ; alors à quand une nouvelle microcentrale hydroélectrique ?

Fin… provisoire.

HIPAF

Pour aller plus loin : Jean-Charles ALLAIN